JOUR 2 : 85 participants ont pris part aux travaux du deuxième jour
Thème des Journées : « La multiplicité des processus de paix face aux
déterminants d’une paix durable en RDC »
Jour 2-Panel 2 : Accord sécurité contre minerais
Sous la modération de M. Philippe Ruvunangiza (Directeur du BEST-Bureau d’Etude Scientifique et Technique, et spécialiste des questions minières, basé à Bukavu), le deuxième panel des Journées sociales s’est tour à tour penché sur le projet d’accord « sécurité contre minerais », actuellement en discussion entre les USA et la RDC, et sur l’analyse des velléités
bellicistes du belliqueux voisin de la RDC, le Rwanda.
Prenant la parole le premier, M. Henri Muhiya, ancien Secrétaire Exécutif de la CERN-CENCO (Commission Episcopale pour les Ressources Naturelles) et analyste des questions environnementales et minières, a analysé le projet d’accord entre la RDC et les USA portant sur l’échange « sécurité contre minerais ». Le panéliste a procédé à une une analyse extensive de quelques documents essentiels pour comprendre le futur accord (lettre de Aaron Poynton à Marco Rubio, Déclaration de principe RDC-Rwanda, lettre des Congressistes américains à M.
Boulos), en passant par un regard sur les éléments de la géopolitique-géostratégie et par quelques questions saillantes concernant le futur accord pour la sécurité de la RDC, à savoir :
USA : armer le Rwanda et armer la RDC (jeu de dame par un seul joueur ?) ;
Faudra-t-il tourner la page des morts de la RDC sans demander réparation au Rwanda ?
Comment se prépare-t-on pour la sécurité du pays ?
Géopolitique de la RDC : USA, Union européenne, Qatar (tous partenaires stratégiques du Rwanda) : comment s’en sortir dans cette sorte de melting-pot ?
Quid des autres voisins de la RDC (le pays en compte 8 autres !) ? Le futur accord ne risque-t-il pas de servir de jurisprudence permettant aux autres voisins d’inquiéter la RDC pour obtenir les mêmes avantages que le Rwanda ?
En conclusion, pour maximiser les chances de réussite d’un tel accord, le panéliste a émis une série de propositions :
Cohésion nationale autour du devenir de notre pays ;
Développer une stratégie claire d’utilisation de nos ressources minières ;
Elargissement de la réflexion sur les autres pays voisins pour déjouer le piège de la jurisprudence en perspective ;
Constituer une équipe équilibrée de négociations, avec des personnes-ressource qui
maîtrisent les contours des questions minières ;
Obtenir une garantie de sincérité de toutes les parties prenantes aux négociations ;
Organiser une conférence internationale pour l’accès aux minerais de la RDC (puisque la RDC se trouve en posture de pays-solution pour la planète, elle devrait, concernant les minerais, se préparer en conséquence pour définir une ligne de conduite claire à suivre) ;
Développer une géopolitique et une géostratégie cohérente, évitant des décisions à-la-va-vite et des reniements futurs.
En résumé, si accord il y a, il faudra que la RDC soit prête à le signer DIGNEMENT, en sauvegardant les intérêts du pays.
Le deuxième et dernier panéliste, Maître Reagan Miviri (avocat et chercheur au Think Tank Ebuteli), a analysé en profondeur les motivations bellicistes du Rwanda, en se servant du narratif développé par celui-ci à l’interne comme à l’externe. D’après lui, trois volets de préoccupations peuvent être dégagés de ce narratif pour justifier l’activisme du Rwanda dans l’Est de la RDC, à savoir : les volets politique, sécuritaire et économique.
En effet, le pouvoir en place au Rwanda a fait du génocide de 1994 un fond de pressions politiques pour continuer à justifier sa longévité à la tête de l’Etat, se positionnant comme l’unique garantie de protection contre la répétition de l’histoire (Génocide) et contre les menaces qui proviendraient d’ailleurs, notamment de l’Est de la RDC qui abrite, d’après les
autorités rwandaises, les fugitifs des FDLR qui continuent de déstabiliser le Rwanda.
Se servant d’une boutade répandue au Rwanda, d’après laquelle « le gardien de la maison est contenu à l’extérieur de celle-ci », Maître Reagan a expliqué comment le Rwanda, pour sécuriser son territoire, considère l’Est de la RDC comme sa « zone-tampon » sur laquelle il doit exercer une certaine influence, afin de « contenir la menace hors de son territoire ». Par ailleurs, la même zone-tampon constitue également une véritable caverne d’Alibaba pour continuer d’entretenir « le miracle rwandais » en matière de développement.
Cependant, a poursuivi le panéliste, le Rwanda ne peut pas se permettre une pareille barbarie extraterritoriale chez les autres voisins que sont l’Uganda, le Burundi et la Tanzanie.
Dès lors, pourquoi le territoire congolais offre-t-il un terrain propice à cet activisme ? C’est certainement à cause d’un déficit criant de gouvernance sécuritaire et politique dans cette partie de la RDC, un déficit qui consacre, de fait, une « balkanisation du pouvoir » (en effet, l’Etat congolais partage son monopole de puissance avec des dizaines de groupes armés dont les populations locales se sentent parfois plus proches que d’un gouvernement central aux abonnés absent lorsqu’il faut résoudre leurs problèmes quotidiens). La solution ? Il faut renforcer la gouvernance locale pour que les populations locales se sentent proches de leurs gouvernants.
Dans le même temps, le pays doit développer une stratégie sécuritaire dissuasive, à l’instar des
autres voisins dont le Rwanda n’ose pas attaquer les territoires sans rester impuni.
Après les échanges entre les panélistes et l’assistance, le modérateur général des Journées, le père Rigobert Minani, a proposé quatre questions à approfondir dans les ateliers :
1) Concernant le projet d’accord entre la RDC et les USA, quels sont les risques et les
opportunités d’un tel engagement (de la part de la RDC) ?
2) Le « partage des richesses » est-il suffisant pour ramener la paix en RDC ? Y aurait-il d’autres aspects qui nécessitent un engagement national pour construire une paix
durable ?
3) La RDC a neuf voisins. Quel impact un accord avec le Rwanda pourrait-il avoir sur les
autres voisins ? Comment anticiper sur les ambitions des autres voisins à vouloir emboîter le pas au Rwanda ?
4) Le Rwanda a déjà envahi la RDC cinq fois. Comment construire une paix durable avec
le Rwanda pour éviter ces agressions continuelles ? En dehors de la logique militaire (où le « vaincu » doit toujours chercher à se venger), quelle réflexion pourrait-on mener pour garantir une cohabitation pacifique, étant donné que les frontières ne changeront
pas et que les deux pays resteront toujours voisins ?
Alain NZADI-a-NZADI, sj,
Directeur du CEPAS et Rédacteur en Chef de Congo-Afrique