JOUR 1 : 92 participants ont pris part aux travaux du 3eme jour + cérémonie de clôture

Thème des Journées : « La multiplicité des processus de paix face aux déterminants d’une paix durable en RDC»

Jour 3-Panel 3 : Les raisons des guerres à répétition à l’Est de la RDC

            Pour ce jour de clôture, quatre conférences ont été proposées, sous la modération de Maître Lalo, avant de procéder à la cérémonie de clôture qui a été ponctuée par la lecture du rapport générale-recommandations et par le discours de clôture prononcé par le Directeur du CEPAS.

            L’honorable Georges Bokundu Mukuli, avocat et ancien directeur de l’Observatoire des ressources naturelles en Afrique (Sarw), a ouvert la journée en offrant une réflexion sur le commerce transfrontalier face à l’accord proposé par les USA. Il a principalement analysé les forces et les faiblesses de l’accord « Sécurité contre minerais », avant d’émettre un point de vue sur les chances de réussite de ce partenariat. D’après lui, le futur accord comporte des forces (appui extérieur pour arriver rapidement à une paix durable en RDC, accélération du développement du pays, création des emplois, contribution à l’amélioration de la gouvernance, financements extérieurs directs, etc.) et des faiblesses (rôle inattendue/inexpliqué du Rwanda dans l’accord qui risque de devenir un partenaire-clé et imposant, flou entre « accord bipartite –RDC-USA ou tripartite –RDC-USA-Rwanda », absence d’exigence au Rwanda de réparation des crimes de guerre commis en RDC, risque d’aboutir à un énième mixage/brassage de l’armée avec des criminels rebelles d’hier). Pour l’honorable Georges, cet accord ne peut constituer une opportunité pour la RDC que si les parties prenantes concernées sont sincères dans leurs intentions. Or, en droit, a rappelé le modérateur du jour, la bonne foi ne se présume pas ; elle se prouve !

            Le Docteur Dirk Shaka, membre influent du mouvement citoyen Lucha, a enchaîné en offrant la lecture de la Campagne « le Congo n’est pas à vendre » face à la proposition d’accord « Sécurité contre minerais ». Cette Campagne réunit 15 organisations de la société civile qui luttent contre la corruption. Etant donné de nombreux précédents qui montrent que la RDC négocie souvent mal (contrats chinois, EAC, etc.), il est important, a-t-il martelé, que la société civile s’approprie cet accord pour l’analyser et tirer la sonnette d’alarme au cas où l’accord ressemblerait à un contrat léonin et déséquilibré. Il a déploré le manque de transparence qui se traduit par une absence totale de consultation locale, au point que même le parlement congolais ne semble pas maîtriser les tenants et les aboutissants dudit accord. D’après Docteur Dirk, pour éviter de tomber dans le piège d’un accord déséquilibré, la RDC doit : renforcer la transformation locale des minerais pour une meilleur valeur ajoutée, diversifier les partenariats pour limiter la dépendance, consulter les acteurs locaux avant la signature de l’accord, obtenir des garanties des retombées économiques et sociales conséquentes, accentuer la transparence dans le processus par le contrôle parlementaire et exiger une justice transitionnelle (crimes du Rwanda) avant tout nouvel engagement. En conclusion, le panéliste a insisté sur la nécessité d’un débat national sur cet accord car la RDC n’est effectivement pas à vendre !

            La troisième conférence, animée par M. Malekani (en remplacement de l’Ingénieur Bushoki empêché), a exploré les intentions du Rwanda à travers les différentes déclarations du Président Paul Kagame, à l’interne comme à l’externe. D’après le conférencier, l’analyse des déclarations du président rwandais montre que plusieurs raisons justifient l’interventionnisme du Rwanda en RDC : sécurité du Rwanda (présence présumé des génocidaires FDLR dans l’Est) ; protection de la communauté (Paul Kagame se présente comme l’unique protecteur de sa communauté) ; responsabilité régionale (le Rwanda estime qu’il a le droit d’assumer un leadership au niveau régional en participant aux missions de maintien de la paix dans plusieurs pays) ; paradigme du développement économique du Rwanda ; théories des frontières coloniales (théorie élaborée par les historiens rwandais et enseignée même dans les écoles rwandaises). En conclusion, le panéliste estime qu’il est temps que les autorités congolaises s’assument et assument leur responsabilité régalienne en sécurisant l’ensemble du territoire national.

            Le dernier intervenant du jour, l’honorable Jean-Baptiste Kasekwa, est revenu sur le partenariat « Sécurité contre minerais » pour en analyser les chances de générer une paix durable en RDC. A l’en croire, étant donné que les USA n’ont jamais modifié leur position vis-à-vis du Rwanda (en refusant de prendre des sanctions dissuasives contre le bellicisme du Rwanda), la signature de cet accord ne constitue pas forcément une garantie de l’avènement d’une paix durable en RDC. L’honorable a fustigé au passage le manque de volonté politique des autorités congolaises successives à faire de la paix une véritable priorité nationale. Ce manque de volonté politique se traduit par la léthargie des autorités congolaises dans la mise en place des politiques sécuritaires claires pendant les périodes de trêve (entre deux guerres). En effet, pourquoi le pays ne dispose-t-il pas toujours d’une armée professionnelle et dissuasive, malgré les nombreux moments d’accalmie observés depuis la guerre de l’AFDL en 1997 ? Dès lors, conclut l’honorable, le futur accord peut aider à obtenir l’arrêt momentané de la guerre ; mais cela n’est pas suffisant pour garantir une paix durable. Celle-ci n’adviendra que quand les dirigeants congolais se décideront enfin de s’armer d’une volonté politique indéniable à faire de la paix leur cheval de bataille, à travers une gouvernance responsable et patriotique.

            Après les quatre conférences, un bref débat a été ouvert, avant d’accorder la parole aux participants pour proposer des avenues possibles de plaidoyers ou d’actions à mener dans les semaines et les mois à venir.

            Parmi les recommandations, l’on peut retenir les suivantes (la liste exhaustive sera publiée dans le numéro spécial de la revue Congo-Afrique de juin-juillet-août 2025) :

  • Promotion d’une gouvernance démocratique transparente, inclusive et responsable ;
  • Renforcement de la cohésion nationale et reconstruction d’une armée républicaine, dissuasive et professionnelle, fondée sur le patriotisme, la formation rigoureuse, des tactiques adaptées, un équipement moderne et une discipline stricte ;
  • Élaboration d’une politique nationale de défense réaliste et adaptée aux spécificités du pays ;
  • Exercice d’une diplomatie préventive auprès des pays voisins, au service de la nation et non d’intérêts individuels ;
  • Répartition équitable des ressources nationales ;
  • Réforme du système éducatif pour éveiller le patriotisme dès la maternelle jusqu’à l’université ;
  • Restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national ;
  • Assainissement du système judiciaire pour garantir justice et équité ; etc.

Soulignons, pour terminer, que le CEPAS transformera les recommandations des Journées sociales en actions et plaidoyers à mener ensemble avec les autres structures de la société civile partenaires.

Alain NZADI-a-NZADI, sj,

Directeur du CEPAS et Rédacteur en Chef de Congo-Afrique

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